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Épuisé | ||
Ed.Praelego-2ème volume |
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ROMAN N°02 : "le Lézard dans le buffet"(Extrait)
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ROMAN N°3 : "Lucile Galatte ou le temps des gauloises bleues" |
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ROMAN N°04 : "Le bal des pourris".... | ||
ROMAN N°05 : La Lieutenant au jupon rouge | Épuisé | |
ROMAN N°06 : Popaul, l'enfant qui voulait aller au ciel retrouver sa mère.
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Le Pythagore éditions www.lepythagore.com |
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ROMAN N°07 :Sacré Popaul ! |
Le Pythagore éditions |
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ROMAN N° 08 :Popaulissime ! |
Le Pythagore éditions |
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ROMAN N° 09
Signé Popaul |
Le Pythagore éditions |
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ROMAN N° 10 La carte à jouer | ||
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JEANNE
.......................................................ET SES CHATS
Christian Moriat
Jeanne Jacquinet
Une ombre qui passe. Et qui fend la bise. Un courant d'air. Une fuite en avant. Silhouette aérodynamique, filiforme d'aspect. Grande. Très grande. C'est Jeanne. "La Jeanne", qui arpente la rue, bride abattue. Cape grise claquant au vent, sous un éternel gilet noir. Et qui bat l'asphalte de ses godillots ferrés, lourds et longs. Puis qui va de porte en porte. Parfois sonnant. Parfois frappant. Mais toujours courant. Gris sont ses cheveux emprisonnés
sous un filet que l'épeire semble avoir tissé au sommet
de son crâne. Anguleux est son visage, tout en poire. Avec
des sourcils épais et broussailleux. Des lèvres grandes
et sèches forment lézarde longitudinale dans le bâti
d'un masque fendu en deux avec les velléités pour
l'oreille gauche, de rattraper celle de droite. Fripe de joues rentrées.
Front bas et proéminent faisant office de visière
à ses yeux de bistre. Nez en proue de navire. Menton en galoche.
Et cou resté à l'état d'ébauche, ramenant
le chef au niveau des épaules... Une quarantaine d'années
? Une cinquantaine, peut Jeanne Jacquinet. C'est son nom. Elle en a d'autres. D'aucuns l'appelant "JJ" tout court. Ou plus désobligeamment, " Le Pony Express" ou plus rarement "Bip Bip" ou "la Coyote". Sobriquets plus en lien avec son extrême mobilité qu'avec le physique ingrat dont elle est dotée. Vu qu'à la campagne, on aime affubler les gens de surnoms, en fonction de ce qui les caractérise. Tant les villageois sont d'humeur moqueuse. Célibataire ? Cela va de soi. Jamais elle n'a réussi à trouver chaussure à son pied. Qu'elle a - comme il l'a été dit -, fort long. Attendu qu'elle marche si vite, qu'aucun homme, à ce jour, n'a encore réussi à la rattraper. Encore eût-il fallu qu'il ait eu envie de lui courir après. Mais tel n'a jamais été le cas. Sinon, on l'aurait su. Car à la campagne, tout se sait. Pourtant, elle a tant d'amour à donner. Or, ce doux sentiment qu'elle ne reçoit pas, mais qu'intensément elle éprouve, elle le dispense à ses chats. Une manière pour elle de compenser. La preuve en est, elle ne sort jamais sans être accompagnée de deux ou trois greffiers de ses fidèles, qui lui emboîtent le pas avec peine. Tant ils ont du mal à suivre sa foulée. Allant jusqu'à l'escorter dans l’exercice du curieux métier qu'elle exerce et que vous n'allez pas tarder à découvrir, en ces années cinquante - métier aujourd'hui, hélas, disparu. Par contre, à l'heure du déjeuner et du souper, il faut voir les bataillons de félidés, de toute taille, de toute couleur, de tout poil et de toute espèce - chats de gouttière pour la plupart -, débouler au presbytère. Lait, moue, arêtes de poissons, le plus souvent, constituant le menu qu'elle met à leur disposition et qui fait le bonheur de ses petits protégés. Même qu'ils lui font cortège. Elle, devant. Eux, derrière. Toujours. Au grand dam d'un curé, qui se désole de les voir faire leur besoin dans son jardin. Quant aux voisins, excédés,
ils ne se font pas faute de les chasser. Mais "La Jeanne",
ne se rend compte de rien, qui continue de les soigner, de les nourrir
et de les bichonner. Son métier ? On y arrive. Par contre, Dieu est avec elle,
qui l'a gratifiée d'un infaillible flair pour retrouver tout
ce qu'il perd... Après prière auprès du bon
Saint Antoine de Padoue - toujours évoqué avec succès
pour retrouver les objets et les papiers les plus introuvables. Ensuite, elle veille à l'entretien
de l’église. Mais bénévolement. C'est
sa seconde fonction. Enfin, elle se doit de seconder,
voire de remplacer Germain Pilon, le bedeau, en cas d'absence ou
de défaillance de sa part - ce qui n'est pas rare, tant il
est porté sur le jus de la treille. Même qu'un jour
de grand-messe, le doyen se plaignit d'être en manque. La
bouteille ayant été retrouvée vide, nul doute
qu'une tierce personne l'avait terminée avant lui. CQFD :
le coupable ne fut pas difficile à trouver. Pour se faire une idée de
cette pratique, il suffit de la suivre à travers les rues
de Varèges - si vos capacités vous le permettent.
Car pendant qu'elle fait une enjambée, obligation sera faite
aux poursuiveurs d'en faire deux. Vu que, comme il l'a précédemment
signalé, sa foulée est longue. À telle enseigne
que ses petits compagnons n'ont pas assez de leurs quatre pattes,
pour la cortéger... Toc ! Toc ! (Quand ce n'est pas
"Dring!") Non seulement, il lui faut la santé,
mais cet exercice requiert d'avoir, non seulement une bonne mémoire,
mais de bonnes jambes. Or, elle a les trois. Certes, la profession n'est guère
rentable. Étant donné que ses prestations sont payées
deux francs six sous par les familles endeuillées. Quoi qu'il en soit, quand il s'agit
de rendre service, la Jeanne est peu regardante ni sur le salaire,
ni sur le choc émotionnel qu'engendre un métier qui
ne ressemble à aucun autre.
CHAPITRE 2 Analepse
De famille, elle en a eu. Mais
n'en a plus. Les Jacquinet pratiquaient la culture
de l'avoine et du blé. Possédaient deux vaches pour
le lait, quelques moutons pour la laine et la viande, plusieurs
volailles pour les œufs, des lapins pour la fourrure, un cochon
parce que son entretien ne mange pas de pain, deux chiens pour la
surveillance, puis un cheval pour les gros travaux. Car Charles,
le père, était resté fermé aux sirènes
du modernisme. De tracteurs, de moissonneuses, de batteuses, de
faucheuses-lieuses, de presses à foin, bref ! de machines
agricoles, il n'avait jamais voulu en entendre parler. Et pas seulement
par manque de volonté, mais pour des questions financières,
vu qu'en cette matière, il avait toujours fait de la corde
raide. Une année faste permettant à peine de compenser
une mauvaise. Et comme il y en avait plus de mauvaises que de bonnes,
d'année en année, notre paysan avait fini par s'endetter
plus qu'il n'était permis. C'est aussi une des raisons pour
laquelle il ne pouvait pas se permettre d'acquérir de matériel
moderne, devant, par obligation, se contenter de la traction animale.
Malgré tout et en dépit des aléas climatiques
- manque d'ensoleillement, orages, grêles et pluies abondantes
-, et de ses mauvais calculs, de la machine, il n'en aurait guère
eu l'utilité, car ce que lui avait légué son
père et le père de son père avant lui, suffisait
amplement, étant donnée la faible superficie des terres
possédées. Aussi son aversion pour le modernisme,
qui, selon lui, "use les sols", n'était qu'un prétexte
utilisé pour sauver la face, auprès de ses collègues.
Lesquels n'étaient pas dupes de son manque de moyens. Ainsi allait la vie à la
"Genevière" - Charles Jacquinet, qui était
besogneux, à l'image de l'Edmée, son épouse,
qui se dépensait sans compter, afin de maintenir à
flot une exploitation qui, inéluctablement, ne demandait
qu'à sombrer. Si le premier promettait, tant il semblait de constitution robuste, la seconde par contre, si elle non plus, ne rechignait point au labeur et si elle était d'un bon service, avait un petit quelque chose qui la différenciait des petites filles de son âge. C'est - comment dire pour ne pas être offensant ? - une fillette qui était passée à côté de la complexité du réel. En d'autres termes, et pour être plus clair, d'aucuns la qualifiant de simplette. Ce qui n'empêchait pas que derrière son dos, on ne le lui envoyait pas dire. Tant sont piquantes les langues villageoises. Certains, pour ne pas dire certaines, tant les femmes sont parfois mauvaises à l'égard de leurs consœurs, n'hésitant pas à toquer malignement leur tempe de leur index pour signifier que le Bon Dieu avait omis, par inadvertance, de lui cocher une case - celle réservée à la cervelle. Affectueuse, généreuse,
sensible, niveau caractère, elle était plus proche
des animaux de la ferme que des pays et des payses, qui n'avaient
de cesse, non pas de la rudoyer - les Longchampardais, s'ils n'étaient
pas toujours tendres avec elle, n'étant pas foncièrement
pervers, en dépit de leurs langues affûtées
-, mais, de ne jamais la prendre complètement au sérieux. Certes, si l'esprit lui a toujours fait défaut, le cœur, par contre, et l'on se doit de le répéter, était débordant d'amour. D'un amour à faire exploser les coronaires les plus endurcis ! Amour qu'à ses chats elle prodiguait déjà et ce, dès son enfance la plus tendre - comme il en a été fait mention plus haut -, et, au risque d’insister, qu'elle dispense à leur adresse, encore et toujours. Et ceux-ci, du plus laid des matous
au plus sauvage et au plus beau d'entre eux, le lui rendaient fort
bien. Qui couraient au devant d'elle, du plus loin qu'ils l'apercevaient. Elle était à leur
écoute. Les soignant lorsqu'ils étaient malades. Les
consolant lorsqu'ils étaient dans la peine. Les rassurant
lorsqu'ils étaient dans la peur. Les gâtant lorsqu'ils
étaient dans la maltraitance. Modérant leur agressivité
lorsqu'ils avaient les velléités de sortir leurs griffes. Bref ! Si elle avait le don. Et
si elle avait un cœur, les animaux, quant à eux, avaient
une âme. Ce sont, en effet, des êtres sensibles qui
aiment et qui, parfois, souffrent. Or, comme nous, les humains,
ils ont toute leur place au paradis. Malgré le curé
de l'époque, qui prétendait le contraire. Ce qui valait
à l'enfant devenue adolescente, de fréquentes algarades
avec l'homme de Dieu - algarades, toutefois, sans conséquence. Comme elle était de nature craintive et innocente, une fois devenue demoiselle, elle se mit sous la protection de monsieur le curé, représentant de Dieu sur terre qui a su d'elle, tirer profit, dépassé qu'il a toujours été, par les tâches matérielles. Aussi, aujourd'hui, comme hier,
n'a-t-il aucune peine à utiliser ses services, parce que
notre amie, qui a l'âme généreuse, est, comme
on vous l'a fait auparavant deviner, éprouve une extrême
méfiance, vis-à-vis de ses concitoyens. Sa timidité
à l'égard des femmes, ses paires, n'ayant d'égale
que sa défiance envers les hommes. Même que jamais
elle ne les regarde en face. À un moment donné,
et l'on se doit de le rapporter, alors qu'elle venait juste de sortir
de l'enfance, elle avait livré au prêtre, le seul auprès
duquel elle a toujours placé sa confiance - monsieur le curé
étant, comme chacun sait, d'aucune appartenance à
un sexe bien déterminé -, son intention de prendre
le voile, afin de vivre à l'écart du monde. Ce qu'elle ne regretta point, car,
elle se sentait bien entre les murs en pierre du presbytère
- imprenable bastion contre la noirceur du monde. Lequel est doté
d'une cour, sur le devant, puis d'un grand jardin, sur le derrière
- son autre grande passion -, qu'elle entretient d'un soin jaloux.
Le disputant même à son protecteur de prêtre,
qui, selon elle, au jardinage, n'y entend rien. Alors qu'il prétend
le contraire. Ce qui donne parfois lieu à différents,
à bisbilles et à chamailleries sans conséquences,
comme il en existe dans les vieux couples. En dépit de leur
grande différence d'âge. Le premier pouvant se prévaloir
d'une ancienneté, qui pourrait, vis-à-vis de "la
vieille demoiselle," l'instituer tout naturellement au rang
de père. Ce qui ne l'empêche nullement d'admettre que
La Jeanne, dans ses rapports avec les légumes et les fleurs,
lui est nettement supérieure, de par son expérience
d'ancienne agricultrice, contrairement à lui, qui, de toute
sa vie, n'a fait que fréquenter les séminaires. Et
se cantonner dans le monde de la prière. Et non dans celui
des légumes. Par contre, et pour revenir un
peu en arrière, en ce qui concerne son frère Georges,
les espérances que l'auteur de ses jours avait placé
en lui, quant à sa faculté de reprendre la ferme,
tournèrent court. En effet, celui-ci mourut d'une septicémie
foudroyante à l'âge de neuf ans, suite à une
blessure occasionnée par une lame de scie rouillée,
en voulant scier une planche, en vue de fabriquer une maison d'oiseaux. Aussi Edmée et sa fille
Jeanne furent-elles bien marries de se retrouver toutes seules,
avec des bêtes à soigner et une terre à entretenir.
Déjà qu'à trois ils n'y arrivaient pas, ce
n'était pas pour y arriver, à deux. Malgré
un labeur harassant et journalier de leur part. Hélas! Deux ans plus tard,
au village, nul ne s'étonna de voir le corps de l'Edmée
flotter un dimanche matin, au beau milieu du lavoir. "Noyée
dans soixante centimètres d'eau !" C’est ce que
confirma le rapport de gendarmerie, laquelle avait été
diligentée pour mener à bien cette enquête. En effet, la mort du fils, la fugue
de l'époux, l'exténuante besogne pour tenter de maintenir
l'exploitation à flot, la vente de celle-ci, qui suffit à
peine à couvrir les dettes contactées par Charles,
avant son départ, ainsi que son nouveau travail chez des
étrangers, avaient été autant de maux trop
difficiles à supporter pour elle. Aussi ne fallait-il pas
chercher plus loin pour trouver les motivations de son geste malheureux. Au départ, de cette charge
qui l'honorait, elle s'en s'acquitta scrupuleusement. On ne peut
pas lui en faire reproche. Tout du moins, est-il bon de le rappeler,
au début. Ce n'est qu'après, que se sont dégradées
les choses. Comme on le verra par la suite. Mais, pour l’instant,
nul n'est besoin d'anticiper.
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